"LA FRANCAISE DE 1914-1915" et "LA NOVICE"
La Santé est l'un des domaines privilégiés où exercent habituellement les femmes qui, grâce à leurs qualités "naturelles", telles la douceur, la générosité, la compassion, demeurent auprès des malades en tant que soignantes.
Une prise de voile laïque en temps de guerre.
L'hebdomadaire publié chaque samedi, et très largement lu par les Français, exalte les vertus féminines : "Nos femmes, nos filles, nos enfants, se disputèrent l'honneur de travailler pour les blessés". Le thème est traité, mais finalement assez peu, par des cartes postales, l'une d'elles souligne que : "C'est un peu du foyer que trouve à l'ambulance le glorieux blessé qui souffre pour la France", en remprésentant une jeune (et jolie) infirmière.
LA SAINTE RELIGIEUSE
Claudine Pichon, en religion Soeur Mathilde, reçoit en 1894, la médaille d'honneur en bronze des épidémies "en récompense de son dévouement lors des épidémies diverses qui ont sévi dans cet établissement", en l'occurence l'hospice de Forcalquier où elle y est "infirmière". Déjà âgée , elle a 74 ans - c'est une "sainte" qui "ne se lasse pas de faire la charité", auprès des vieux et des indigents de Forcalquier, depuis plus de 35 ans, ou auprès des soldats, comme en 1870 malgré une épidémie de variole. Cette femme est si exceptionnelle qu'un rapport souligne toutefois que "sous un extérieur simple et modeste, la jeune garde malade cachait des vertus mâles et rigoureuses" à son arrivée à l'hospice de Forcalquier, "le plus pauvre de France". Le rédacteur décrit une femme "luttant contre la fatigue et le sommeil", excerçant plusieurs missions soins, lessive, femme de peine, à des fins d'économie. En 1870, un militaire trahit seur Marthilde auprès de sa supérieure, en l'informant "que depuis trente-deux jours, elle ne s'était pas couchée". La décoration récompense une femme à la retraite, infirme, usée, affaiblie, que les habitants de la région appellent "la bonne soeur Mathilde".
LA SAINTE LAIQUE
Née à Thorame-Haute, le 6 septembre 1860, décédée le 28 février 1934 à Annot, Maria Joséphine Pons est institutride à Annot depuis 30 ans - elle a débuté sa carrière à Larche le 11 mai 1880 - lorsqu'elle reçoit la médaille des épidémies en 1916. C'est une femme déjà récompensée : titulaire de la médaille de bronze des Instituteurs en 1907, Officier d'Académie en 1910. Sa carrière est riche et son implication locale est profonde. En 1913, elle est l'une des trois institurices récompensées, en France du prix Huiard, décerné à celles qui se sont particulièrement distinguées en enseignant l'hygiène alimentaire dans les écoles et les classes d'adultes ayant "organisé un cours de puériculture et de pesée des nourissons".
Comme soeur Mathilde, Joséphine Pons s'est exclusivement consacrée au service de ses contemporains. Demeurée célibataire, elle réserve ses qualités maternelles à ses élèves qui l'appellent "Mère".
Une plainte de mars 1897, évoque les excès dont serait coutumière Melle Pons. Le contexte est alors tendu entre les instituteurs d'Annot et son collègue Chaussegros avec qui elle a eu quelques différents. Ces difficultés ont pour fond la question de l'école et sa "laïcisation". L'inspecteur en 1905, relève d'ailleurs que "Melle Pons, elle-même est une fervente, - c'est son droit abolsu" ajoute t-il en relevant sa "neutralité".
Durant la guerre de 1914-1918, Melle Pons mène de nouvelles activités en faveur de ses contemporains, en particulier dans le cadre de la croix rouge.
Salle d'opération de l'hôpital Charles Romieu (1930)
Groupe de personnes composé de six religieuses, et (de gauche à droite), le doceur Julien Romieu, le docteur Auguste Gassend, le docteur Dalmas et son fils le docteur Pierre Dalmas.
Les religieuses soignent non seulement les corps mais aussi les âmes. Au XIXème siècle encore, elles restent des auxiliaires des médecins, véritables saintes animées par le service des humbles. Ce modèle tend cependant à s'estomper au fil des années, devant les progrès de la médecine, de la sécuralisation de la société et, singulièrement de l'hôpital...
La Croix-Rouge, fondée en France en 1864, même si l'idéal chrétien y préside, s'appuie sur des compétences techniques et scientifique, celles, évidemment, du personnel médical, mais aussi des membres de la société civile, prêts à s'organiser et à suivre des formations médicales pour remplir ses desseins. La première guerre mondiale joue un rôle d'accélérateur du processus : en 1918, la figure de l'infirmière s'est imposée.
Melle Pons, insitutrice à Annot, représente cette transition. Laïque mais proche à bien des égards de la religieuse, décorée de la médaille des épidémies, Melle Pons marque cette entrée dans la voie du "progrès".
La Française de 1914-1915
D'après un pastel de DAGNAN-BOUVERET
Photos et documents d'après l'Expo à la Salle voûtée de Font-Robert à Château-Arnoux. Février 2012
Source Les Archives départementales