Et si nous cherchions à en savoir un peu plus sur la poterie en général ...
Dans une poterie, il y a cinq phases de travail : la préparation de la terre, le tournage, l'émaillage et le séchage, la cuisson et ensuite, si ce n'est pas pour un usage personnel, la commercialisation.
LA PREPARATION DE LA TERRE :
La phase la plus longue et la plus ingrate aux dires des initiés est certainement l'extraction et la préparation de la terre.
La préparation consiste en trois opérations distinctes : le portage, le battage et le coupage en lamelles de la terre destiné à détruire les noeuds qu'elle pouvait présenter.
LE FACONNAGE :
il y a plusieurs façons de monter un pot :
- La première, la plus simple c'est celle que l'on a tous fait au moins une fois quand nous étions petits, c'est de creuser une boule d'argile avec les doigts, de la lisser. Mais de cette façon, il est évident que l'on ne peut pas faire de grosses pièces, ni en faire en grosse quantité.
- une seconde technique consistait à enfiler sur une tige des gabarits reliés par des lamelles verticales et à enrouler en spirale une corde de la base au sommet pour déterminer le galbe intérieur du futur pot. On plaquait alors la terre sur la corde et on la lissait. On obtenait ainsi après récupération de la corde et des gabarits des pots de grande taille. Cette technique fut utilisée jusqu'en 1945 à Aubagne. C'est une méthode qui peut être rapprochée de celle des temps néolithiques où l'on façonnait un pot en le lissant autour d'un panier.
- la troisième technique consiste à enrouler sur lui-même un serpentin de terre dit "colombin". Chaque tour devenant solidaire du précédent par léger tassement. Cette technique a été utilisée pour des pièces lourdes et de grandes tailles. Le montage par colombin pouvait également se faire sur un tour très primitif, un pseudo-tour, que l'on déplaçait à la main. cas de Thiat dans la Haute-Vienne.
On en arrive ainsi aux tours proprement dits qui se ramènent à deux types : le tour à bâton et le tour à pied.
Le tour à bâton est préférentiellement le tour du Nord de la France. Son origine serait germanique et vis à vis du tour à pied présenterait un caractère récessif. Son principe repose sur la force d'inertie d'un volant qu'on lance à l'aide d'un bâton. En l'occurence, une roue de charette, posée sur un pivot et convenablement lancée suffira à faire l'affaire.
Dans le tour à pied, la lourde roue de fer est remplacée par un plateau circulaire que le potier entraîne en permanence avec son talon. L'entraînement pourra aussi se faire à l'aide d'une pédale latérale.
Pour la fabrication des grandes pièces, que ce soit par le procédé du colombin ou au tour, il était nécessaire en cour de montage de faire légèrement durcir la partie inférieure afin qu'elle ne s'affaise pas sous le poids de la terre qui allait constituer la partie supérieure. On plaçait alors au centre de la pièce en cours de montage, un braséro de fer rempli de braises. Les parois, une fois durcies, le tournage pouvait reprendre. Pour les très grandes pièces le procédé pouvait être utilisé deux fois.
La dernière façon de créer une pièce pouvait l'être par moulage. Procédé très ancien puisqu'on le retrouve chez les sigillées des Gallo-Romains. Il sera plus ou moins utilisé mais il sera plus fréquent dans le midi de la France que dans le Nord. Le Midi ayant gardé plus longtemps la tradition d'une vaisselle de terre soigneusement émaillée, faite de pièces de forme, donc obligatoirement moulée, parallèlement à la vaisselle de faïence. Les moules seront en terre ou en plâtre.
Je relèverai une petite précision, c'est qu'à la poterie, le collages des anses "L'ansage", est traditionnellement le travail des femmes. Travail moins fatiguant que le tournage mais très délicat car les anses, surtout dans les grands saloirs, qui auront à supporter des charges considérables ne doivent en aucun cas se détacher. Nécessité d'observer entre le pot en cours de séchage et l'anse que l'on y applique un degré d'humidité compatible et de bien ancrer les anses sur les panses des pots.
LE SECHAGE ET L'EMAILLAGE
Détaché de son tour, le pot encore humide sera mis à sécher. D"une manière générale le Nord préfèrera un séchage dans des hangars aérés mais à l'abri du soleil. Lorsque l'on désirait un séchage accéléré on pouvait placer les poteries dans le four encore tiède ou encore disposer des braséros dans l'atelier. Le Sud optera pour un séchage au soleil auquel les qualités des terres ne sont pas étrangères.
Les pièces dont on désirait soigner la finition étaient reprises sur le tour après un premier séchage partiel ou, à l'aide d'un "tournassin" petite pièce de fer enmanchée, on ébarbait, on lissait ou on décorait de quelques traits la pièce.
Bien sec le pot pouvait alors être émaillé ou non. L'émaillage coûtant cher sera utilisé avec logique. Emaillage intérieur des pots cuits aux environs de 900° à 1000° et de ce fait poreux, émaillage de leurs goulots pour en faciliter le nettoyage. Mais, par contre, pas d'emaillage pour les ploteries de grès cuites entre 1100° et 1 300° rendues naturellement imperméables lors de la cuisson par vérification superfcielle de la surface. Seront par contre émaillées sans souci d'économie, les pièces de prestige, les pots de mariage, les vases décoratifs...
La base de l'émail que l'on rencontre le plus souvent est essentiellement le plomb, quoiqu'il y ait bien d'autres façons pour émailler (cendre de bois, laitiers réduits en poudre des bas fourneaux une fois fondu on y ajoutait de la centre de bois et l'on brassait le tout avec une barre de fer portée au rouge. La poudre obtenue était tamisée finement et utilisée soit par aspersion poit par immersion de la pièce. Pour obtenir les couleurs on incorporait des oxydes, ainsi celui de cuivre pour obtenir le vert ; de fer pour le noir, de bleu de cobalt pour les bleus.
Vers 1830 on reconnut les dangers dus à la manipulation du plomb et les maladies graves qu'elle entraînait ; il faudra un siècle pour que son emploi soit définitivement interdit.
La poterie culinaire de Vallauris étant poreuse, il convenait de l'émailler intérieurement. l'extérieur restant sans émail pour pouvoir aller au feu et se dilater sans risque d'éclatement.
LA DECORATION
Aborder les notions d'émaillage, c'est déjà parler du décor. Un pot sur lequel on aura pris soin d'appiquer une larme de laitier ou une tâche de cendre de bois est déjà un pot décoré. Notons au passage que toutes les poteries auxquelles on aura apporté un surcroît de finition sont dans tous les cas des pièces admirablement tournées, très belles dans leurs lignes. Mais, la plupart du temps, seule la pureté de la forme, la qualité du tournage suffira au potier qui saura, lui, qu'il a réalisé une pièce parfaite. Il ne faut pas perdre de vue que dans bien des centres, notamment en Savoie ou en Dauphiné par exemple, le décor n'a pour but que de dissimumer les imperfections et que la clientèle locale rurale ne s'y trompait pas laissant aux touristes les pièces les plus colorées.
Le premier décor est celui fait avec les doigts. Ce sera jusqu'à une époque récente celui des potières corses ou bretonnes. Ce sera aussi le décor sur les bandelettes de terre appliquées sur les poteries d'Auvergne, du Périgord ou de l'Ain. Mais là encore il ne faudra pas perdre de vue que ces côtes disposées le long des pots sont au premier chef des éléments de protection.
Une façon simple également de décorer consiste à l'aide d'un clou ou d'un peigne à tracer des cannelures droites ou ondées sur le pot encore humide. Ce procédé a beaucoup été utilisé pour les grès ; lorsque le potier sentait que la forme était bien venue c'était un peu le dernier coup de chic qu'il donnait.
On pouvait aussi décorer avec un poinçon (pastille, rosace, fleurette ...) ou avec une molette. Des pièces démonétisées pourront également faire l'affaire.
Une technique plus complexe qui a valu à Beauvais ses lettres de noblesse est celle du décor dit "à scrafito". le principe consiste à enduire par trempage la pièce d'une engobe d'une certaine couleur, puis après séchage, d'une seconde engobe d'une couleur opposée. Par grattage de la seconde couche la première apparaît.
On peut également obtenir des effets spectaculaires en mélangeant terres blanches et terres rouges qui donneront au tournage un aspect jaspé. Deux villes Apt et Uzès se disputent l'honneur d'être à l'origine de cette technique.
Plus simplement on obtiendra le jaspage par la peinture. Cette technique sera utilisée dans toute la Vallée du Rhône.
Un autre type de décor fréquent consitera à opposer des terres de couleurs différentes en collant sur le pot "à la barbotine", des motifs moulés ou sulptés. Cette liste des principaux procédés de décoration n'est pas limitative.
L'ENFOURNEMENT. LES FOURS
Les fours se ramènent à quatre types principaux, ne citons que pour mémoire l'utilisation des fours de boulangers ou les mariages plus ou moins réussis avec les verreries.
Un four simple, dont les derniers exemplaires ont été utilisés en Bretagne durant la guerre, est une sole ciruclaire posée sur un petit muret sur laquelle on emplilait les porteries en forme de dôme, on lutait l'ensemble, on chargeait le foyer d'aiguilles de pin et l'on conduisait le feu pendant deux heures avec des fagots de genêts. le refroidissement demandait quatre heures.
Un des modèles les plus répandus destiné à la cuisson des terres ne soupportant pas plus de 1000° consiste en une chambre rectangulaire construite en pierre ou en argile. Un tiers est destiné au foyer et deux tiers au laboratoire. Il est souvent installé sur un terrain en pente pour accélérer le tirage. Sa dimension est de cinq à six mètres pour une largeur de trois mètres; la cuisson durait cinq à six heures. A l'habitude le potier jugeait du moment opportun pour arrêter le four.
Le troisième type également très répandu consiste en une chambre cubique en terre réfractaire bâtie sur une voûte où se situera le foyer. Des trous aménagés dans cette voûte conduiront la chaleur qui après avoir léché les pots sortira par un certain nombre de cheminées situées au sommet de la chambre supérieure.
Plus complexe, destiné à la cuisson des grès, soit de 1100° à 1 300°, sera le four-couloir. C'est un demi-cylindre couché axe de tirage oblique et à foyer terminal. il est construit en pierre et possède une cheminée. Dans la cheminée dite "culasse" on empile encore des pots jusqu'à mi-hauteur et l'on y place les "montres" qui permettent de suivre les degrès de températures. La cuisson délicate est divisée en "petit feu" (la trempe) qui dure de seize à dix-huit heures et en "grand feu" qui dure de trente-six à quarante heures.
Dans les fours les plus anciens et les moins élaborés la cuisson pouvait durer huit jours et plus.
L'enfournement était une opération très délicate et souvent on faisait appel à un spécialiste. Une cuisson ratée pouvait signifier la ruine d'un atelier. Le principe consite à empiler les petits pots dans les grands, à les serrer au maximum pour éviter les déperditions de chaleur tout en évitant qu'ils ne se touchent ou qu'il s ne s'affaissent. Dans les grands fours de trente à cinquante mètre cubes c'était parfois toute la production d'un mois que l'on empilait. Le refroidissement durait huit jours.
Restait ensuite la commercialisation ...
Source de mes informations :
un ouvrage extrêmement bien documenté : "POTIERS ET POTERIES" d'Alain BAVOUX -
Editions Charles Corlet - Mars 1983.
A noter que des cartes postales anciennes souvent uniques ou inédites servent de support à ce livre.