UN MAS DE PROVENCE
L'autre jour je faisais part à un ami blogueur de mon rêve :
j'aurais aimé avoir un mas provençal ...!
Eh bien aujourd'hui, mon amie blogueuse "femme 1900" vient de m'adresser une page de la Revue :
"Femme de France" du 28 Mars 1926, que je vous laisse découvrir .......
"Je veux me bâtir une maison
Qui soit un sourire sur la route."
(Ghéon)
Si vous connaissez la Provence, et goûtez le charme de son sol roux, le gris pâle des oliviers sur un ciel bleu, si franc, si pur, où des rayons d'or baignent les demeures barbouillées d'ocre, de brique ou de rose sous leur cadran solaire, vous connaissez ce sourire sur la route : le mas, accueillant et chaud, sous ses toitures irrégulières à tuiles rondes patinées par le temps, où les mousses font un ourlet de verdeur. Un perron se déroule, encadré d'urnes puissantes, des aloès y déploient des pointes cruelles, des feuilles marbrées orgueilleusement dressées. Puis de larges dalles cernées d'un vert gazon en séparent les joints, des buis trapus taillés en boule encadrent la demeure qui, fenêtres grandes ouvertes, baigne dans la blonde lumière ses chambres peintes de clair, sous un rayonnage de poutrelles foncées.
Parfois, une terrasse à l'italienne surmonte un corps de logis ; une fresque à l'antique clôture un angle de maison. Tantôt c'est un seul rez-de-chaussée monté sur trois larges degrés, une pergola de roses l'abrite, son toit en léger auvent l'assombrit mystérieusement. Des pins croissent à l'entour, et un vieux puits y ouvre son profond abîme sur une eau hardie ; de pourpres bougainvilliers courbent leurs rameaux sur le fer du cintre. Et des chemins étroits festonnent le jardin enclos de grosses pierres, où les lézards tracent un frétillant sillage. Dees orangers-boules se couvrent de fleurs et de fruits en un enchantement simultané et toutes les petites fleurs ignorées sentent bon tant qu'elles peuvent.
Du désordre de la nature, où croissent ronces et mimosas en savoureux voisinage, on tire un parti charmeur, une bastide se devine sous les torses noueux d'oliviers centenaires dont les fruits s'écrasent sous vos pas, près d'orchidées sauvages au pistil de soie marron, aux feuilles grassement découpées.
Montez les degrés de l'entrée voûtée, vers ce frais vestibule peint de rose, où s'appuie ce pétrin d'époque Louis XVI d'une patine sévère, des décors harmonisent les barres transversales répétées deux fois. Sous le coffre, on a placé sur la tablette des grocs d'étain, des grès du pays, un déjeuner de Marseille et au-dessus la grâce fuselée d'une pannetière aux lignes tourmentées, aux clochetons inégaux, vrai meuble de Provence voisinant avec une vieille bassinoire de cuivre.
Dans la proche cuisine que de merveilles : des étagères aux rebords ondés fouillées de fleurs, contiennent amphores plates, aqssiettes, flacons rutilants de leurs étains et de leur cuivres, des encoignures de bois centenaire où se hausse la lumière dun chaudron, un buffet camarguais aux lourdes serrurs découpées : au-dessus et autour : des cuillers, poêles, tripières, daubières appendues aux bois frustres rayabt la pâleur des murs.
Sous la lourde lanterne à maillons de fer, se meut une belle fille d'Arles, au profil pensif sous la coiffe, le fichu sagement joint et la jupe longue. Elle sait accueillir d'un sourire l'hôte gravissant les pentes d'un coeur léger, un peu ivre des parfums d'herbe chaude, d'un jour radieux rayé d'or sur azur. Tandis qu'un pâtre au loin module et qu'une chèvre gambadante découpe son ombre dans la grande baie ouverte. RUBIS.
Femme de France du 28 mars 1926